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Le casse-tête de l’hébergement des victimes de mariages forcés
Le réseau « Mariage et Migration » a fait le point sur la problématique de l’hébergement des victimes de mariages forcés. Constat : en situation d’urgence, les solutions manquent.
Comment mettre en sécurité une jeune femme, parfois mineure, menacée d’être mariée de force par sa famille ? C’est l’un des défis auxquels sont fréquemment confrontées les associations qui travaillent avec ces publics. Et ce, très souvent, dans l’urgence.
La députée bruxelloise Fatoumata Sidibe (Défi) avait transmis en février une série de questions à la ministre de l’Aide aux personnes, Céline Fremault (CDH) concernant, d’une part, la ligne d’écoute téléphonique du réseau « Mariage et Migration » (lire par ailleurs) et, d’autre part, la problématique de l’hébergement et du logement des jeunes victimes. Les réponses, reçues par la députée le 28 février dernier, dressent un constat clair : la prise en charge, dans l’urgence, de jeunes femmes devant être extraites de leur milieu familial se heurte à de nombreux obstacles.
Lorsque le mariage arrangé par les parents est imminent, la victime n’a que peu de temps devant elle. Les associations doivent lui trouver un refuge rapidement, en l’éloignant géographiquement de sa famille. Les refuges pour femmes victimes de violences conjugales, particulièrement avec adresse secrète, sont privilégiés. Or, ces maisons, c’est connu, manquent déjà de places. Des centres d’hébergement pour sans-abri servent aussi de plan de secours. Dans les deux cas, ces solutions s’avèrent peu adaptées aux besoins de jeunes filles qui, pour beaucoup, n’ont jamais quitté le cocon familial. Elles se retrouvent là face à des publics éloignés de leurs problèmes et à des professionnels peu formés.
Déposer plainte contre sa famille: un pas dur à franchir
Ensuite, souligne encore le réseau dans les réponses fournies à la ministre, certains centres exigent un procès-verbal de plainte (ou insistent fortement)… Or, les professionnels sont unanimes : très peu de victimes souhaitent déposer plainte contre leur propre famille. D’autres institutions organisent des entretiens de « pré-acceptation », relate encore le réseau « Mariage et Migration ». La victime doit alors prévoir un déplacement parfois important (en le cachant à sa famille), pour rencontrer le personnel du centre d’hébergement, s’y confier… pour, parfois, être « refusée ».
Conclusion, sur le terrain, les associations parent au plus pressé, en système D : « Il est souvent quasi impossible de trouver une place en urgence, raconte Maria Miguel Sierra. Lorsqu’on doit trouver pour le jour même ou le lendemain, il arrive qu’on héberge la victime chez nous ou chez des particuliers. On ne peut pas décemment renvoyer la jeune chez elle ! »
Fatoumata Sidibe plaide pour un centre d’hébergement spécifique, relayant une demande du terrain. La ministre de l’Aide aux personnes rappelle qu’un arrêté du gouvernement bruxellois de 2016 vise à attribuer de façon prioritaire 3 % des logements sociaux de la capitale aux femmes victimes de violences conjugales ou intrafamiliales (dont les mariages forcés). Mais le défi de l’hébergement en situation d’urgence demeure.
Deux fois plus d’appels en 2017
En 2017, la ligne d’écoute du réseau « Mariage et migration » (0800/90.901) était passée de trois à quatre plages horaires par semaine. Le nombre d’appels a, en conséquence, fortement augmenté. Alors que le réseau avait reçu en 2016, première année de son fonctionnement, 31 appels, il en a comptabilisé une soixantaine en 2017. Si le doublement des contacts semble logique, il traduit tout de même une demande qui est plus importante que l’offre. « Le chiffre noir des mariages forcés reste encore très important, concède Maria Miguel Sierra, présidente de la Voix des Femmes, à Saint-Josse, membre du réseau. D’autant plus que la ligne d’écoute est surtout connue à Bruxelles ». Dans le courant de l’année 2018, la plate-forme liégeoise contre les mariages forcés et les violences liées à l’honneur sera aussi associée à la gestion de la ligne d’appel, uniquement prise en charge par des associations.