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L’AIDE D’URGENCE N’EST PAS la seule réponse au sans-abrisme
Céline Fremault (CDH), ministre bruxelloise en charge de l’Aide aux personnes, revient sur les mesures fortes prises pour enrayer la problématique du sans-abrisme.
Le grand froid arrive dans la capitale et, avec lui, le plan hiver annuel qui débute ce jeudi. La DH a rencontré Céline Fremault (CDH), ministre bruxelloise de l’Aide aux personnes, au sein de la Cocom, qui gère conjointement cette compétence avec Pascal Smet (SP.A), pour évoquer les mesures prises envers les sans-abri sous cette législature.
On recense 4000 sans-abri en région bruxelloise. Comment se fait-il qu’on ne soit pas parvenu à endiguer le phénomène lors des précédentes législatures?
“À Bruxelles, pendant des années, l’espace public s’est partagé entre les partisans d’une approche humanitaire et urgentiste, d’une part, et les défenseurs de politiques exclusivement axées sur l’accompagnement social à long terme, d’autre part. Or, nous le savons, il est inutile, voire contre-productif, d’opposer l’accueil d’urgence des sans-abri aux approches davantage axées sur une prise en charge à long terme.”
C’est-à-dire?
“L’acteur hégémonique au sein d’un secteur fragmenté était le Samusocial. Celui-ci privilégiait clairement des politiques urgentistes et ses responsables percevaient comme hostiles toutes les autres formes d’aide aux sans-abri.”
Qu’avez-vous mis en place pour éviter d’opposer l’approche urgentiste aux politiques d’insertion sociale?
“Avec Pascal Smet, nous avons mis en place pendant cette législature une vaste réforme du secteur. Ainsi, non seulement les moyens consacrés à l’accueil d’urgence ont pratiquement triplé (en 2018, on y consacre désormais 13 millions d’euros, NdlR), mais, en plus, les budgets consacrés aux politiques d’insertion ont été augmentés, notamment via la mise en place de nouveaux projets novateurs ainsi que le renforcement de ceux qui existaient déjà. Quelque 22 millions d’euros sont consacrés à ce volet.”
Quels sont les projets qui ont vu le jour sous cette législature?
“On peut citer les programmes Housing First qui ont été lancés en 2015. Ces programmes garantissent l’accès au logement immédiat des sans-abri et l’organisation d’un accompagnement social de qualité au sein de ce même logement. Nous avons débloqué, cette année, un budget de 1,5 million d’euros pour ce programme. Nous enregistrons une centaine de bénéficiaires pour un taux de réinsertion de 95%.
De plus, les agences immobilières sociales sont sollicitées pour proposer des baux locatifs à des personnes sans-abri via des incitatifs financiers. Une attention particulière est également portée sur les femmes victimes de violence intrafamiliale ayant quitté leur domicile pour fuir cette condition, et elles ont désormais la possibilité d’accéder de manière prioritaire au logement social afin d’éviter qu’elles ne se retrouvent à la rue.”
Quand est-ce que l’ordonnance qui réorganise la politique d’accueil des sans-abri dans la capitale sera effective?
“Nous allons mettre en place une structure de coordination centrale dont la principale fonction sera d’orienter les sans-abri vers le service d’aide le mieux adapté à leurs besoins. Cette structure, dénommée Bruss’Help, sera composée de spécialistes du travail social qui auront pour tâche d’orienter les personnes vers la forme d’aide la plus pertinente. Son ouverture est fixée pour le début 2019. Dans le cadre de cette vaste réforme, nous avons aussi procédé à la réforme de l’accueil d’urgence. Suite au scandale et via la nouvelle ordonnance, le Samusocial a été radicalement réformé : il devient un organisme public soumis à un contrat de gestion et tous les outils de bonne gouvernance prônés par la commission d’enquête sont et vont être implémentés.”
La disparition du sans-abrismeest-elle envisageable?
“Il est extrêmement difficile de s’emprisonner dans des planifications visant l’objectif zéro sans-abri à moyen terme. Une crise géopolitique au Moyen-Orient, une crise financière comme celle de 2008, une guerre provoquant un afflux de migrants important sont tous des exemples de facteurs externes qui peuvent contribuer à augmenter le nombre de sans-abri, en dépit d’une réelle présence à Bruxelles de politiques efficaces d’aide sociale et d’inclusion via le logement.”
En février dernier, la police etterbeekoise a procédé à l’arrestation administrative de SDF qui refusaient d’intégrer les hébergements d’hiver afin de les protéger du froid. Soutenez-vous cette démarche ?
“Il s’agit d’une prérogative des bourgmestres et j’estime que chaque bourgmestre peut agir comme il l’entend sur son territoire. Il en va de sa propre responsabilité, même si je préconise la relation de confiance pour au maximum éviter ce type de solution.”
©JC GUILLAUME Interview > Arnaud Farr (DH)
www.dh.be I MERCREDI 14 NOVEMBRE 2018 I LA DERNIÈRE HEURE