2024 sera une année électorale en Belgique. Dans ce contexte, le Guide Social souhaite être…
De l’indignation à l’action, les jeunes montrent une autre voie
Trois mille cinq cents jeunes se sont mobilisés pendant un an pour s’emparer de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et travailler sur ce socle de valeurs posé par des hommes et des femmes qui se sont dit, plus jamais ça, il y a 70 ans. Mais les droits humains ne sont plus à la mode. Ils n’attirent pas la presse, c’est quoi ce vieux truc. Ce vieux truc a regagné plein de fraîcheur et d’indignation, à Bruxelles, à l’Académie Royale qui a accepté d’accueillir 1200 jeunes lauréats de la campagne organisée par l’Association pour les Nations-Unies en Fédération Wallonie Bruxelles pour les 70 ans de la DUDH. OK, et alors ?
La presse n’en dit rien. Je comprends. La veille, les Gilets Jaunes foutaient le feu et lançaient la guérilla urbaine à Bruxelles. Des Gilets Jaunes qui n’aiment pas la presse, qui la rendent coupable de tous les mêmes maux que les politiques, les riches, les entreprises. Tous coupables. La presse doit couvrir, c’est de l’actu, la DUDH peut attendre. Et dimanche, il y a la grande marche pour le climat. La presse ne peut pas ne pas couvrir. Alors quand samedi, une ASBL qui compte moins de personnes que les doigts d’une main, invite la presse à venir voir ce que des jeunes ont fait pendant un an pour les droits humains, ça a des relents à la fois de poussière et de fancy-fair. Ce sont des gosses quoi. Les problèmes qui préoccupent le monde, c’est une affaire de grands.
Et ils font quoi les grands ? Il y a 70 ans, il y a des très grands qui ont fait signer cette déclaration. Aujourd’hui, les très grands nous disent que si nous devions faire signer le même texte, on échouerait. Pourquoi ? Parce que le monde politique ne réalise pas encore le chamboulement de l’arrivée au pouvoir de gens venus d’ailleurs que du sérail ? Parce que les syndicats ne comprennent pas que les gilets jaunes, c’est aussi l’échec de leurs hiérarchies syndicales ? Parce qu’on ne réalise pas que la démocratie est passée subrepticement de la souveraineté du peuple à la souveraineté de l’individu. Homme ou femme, adulte ou enfant, il a le monde dans sa poche ou dans la paume de sa main. Un outil qui lui permet d’exercer de plus en plus deux droits qui n’étaient pas dans la Déclaration universelle : le droit de choisir (un petit like, par ci, un petit like, par là) et le droit de se plaindre. Deux droits de consommateurs de démocratie bien plus que de citoyens. Et comme il y a tellement de choix et de raisons de se plaindre, la politique est devenue une question de gestion de données, de sondages, de suivi de la tendance populaire, de la mode. Surtout pas de vision, ce serait beaucoup trop audacieux. Non, créons des tendances et surfons dessus. La peur par, exemple, c’est une grosse tendance de fond depuis les millénaires, toutes les religions du livre vous le diront. Et jusqu’à preuve du contraire, les auteurs de ces livres restent les plus grands marketeurs de l’histoire. La démocratie se polarise donc entre ceux qui font peur et ceux qui s’inquiètent.
Pendant ce temps-là, à Jemeppe sur Sambre, à l’Athénée Baudouin 1er, 160 gosses sont passés de l’indignation à l’action. Par groupe de 3 à 5 ils ont conçus des affiches et des photos pour sensibliser le reste de l’école à plus de respect de l’autre, à plus d’écoute, à plus de tolérance, à moins de vilolence conjuguales, à moins de harcélement, à plus de dignité, etc. Ils ont créé leur groupe Amnesty. Une initiative qui a démarré l’année dernière à l’initiative des élèves et grâce à leur énergie. Leur école est officiellement un groupe-école Amnesty depuis la rentrée de septembre 2018. Amnesty leur apporte d’ailleurs, comme à tous ses groupes-écoles, beaucoup de soutien, que ce soit en nous fournissant du matériel pédagogique ou de campagne, mais aussi en relayant toutes leurs actions et mobilisations sur les réseaux sociaux ou encore au travers de rencontres comme la journée Oxfamnesty qui a lieu chaque année. Une représentante de ce groupe a pris la parole, hier au Palais des académies, pour dire que cette campagne leur a permis de s’exprimer et que cette expression d’indignation a fini par transformer l’école. Ils étaient venus à 80 hier, ils sont plus de 160 dans leur groupe. Des champions de droits humains, des pionniers du changement, des Stephane Hessel en herbe.
Alors, oui, vive l’indignation pourvu qu’elle entraîne une action qui va au-delà de la manifestation. Il y a des jeunes qui montrent la voie.
Le Soir ne disait rien de cela dans ses colonnes, aujourd’hui. On y parlait bien du cours de citoyenneté en titrant qu’il ne décolle guère. Le journaliste, Eric Brugraff devrait se rendre à Jemeppe ou au Lycée Guy Cudell ou à l’Athénée Royal de Jambes ou à celui d’Uccle 1 pour voir le pouvoir transformateur d’un prof de CPC qui s’entend avec un préfet pour élaborer un projet annuel. C’est incroyable. Comme le disait le Recteur de l’ULB en conversation avec Josy Dubié et moi-même, on sent de plus en plus qu’il y a de la résistance au monde consumériste et individualiste dans lequel nous vivons. Mais ce que les écoles ont fait avec l’APNU et Démocratie ou Barbarie, c’est un vrai un bain de fraîcheur.
L’ONU, ce grand machin, disait de Gaulle ? Soit. L’APNU, ce sont des bénévoles qui croient que c’est plus qu’un machin. C’est un enfant de la DUDH qui combat l’unilatéralisme et privilégie l’humain dans toute sa dignité et sa singularité. Et les profs de citoyenneté montrent une voie qui est déterminante pour l’avenir de la démocratie. Le problème, c’est la transmission. La transmission de ce qui a motivé les auteurs de la DUDH. Je n’en ai connu aucun, mais à force d’avoir lu, vu et revu ces trente articles, je pense qu’ils ont profondément éprouvé le lien vulnérable qui les unissait aux autres. Et l’histoire montre qu’ils ont su transformer cette conscience d’appartenance à un monde commun dans un engagement concret pour plus d’humanité. Un socle de valeur qui est plus que jamais d’actualité.
A bientôt pour la suite et merci à la RTBF pour son engagement à nos côtés ainsi qu’à la presse régionale.
umeurs d’un alterpubliciste par Patrick Willemarck, le 02 décembre 2018