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A la gare du Nord de Bruxelles, les migrants rêvent toujours d’Angleterre

Chaque soir, une vingtaine de migrants, désireux de rejoindre l’Angleterre, dorment à l’extérieur de la gare du Nord à Bruxelles.   

Jeudi, en soirée, les couloirs de la gare du Nord grouillent de navetteurs. Les travailleurs de la capitale marchent d’un pas pressé vers leur quai, impatients de rentrer chez eux. Ils avancent rapidement, sans prêter attention à ce qui se passe.

A quelques mètres d’eux, adossés contre les vitres du hall d’entrée de la gare, des couvertures sont disposées en rang sur le sol glacial. A l’extérieur, près des arrêts de bus, la situation est similaire, les températures négatives en plus. Quelques personnes s’y réchauffent avec difficulté, d’autres marchent en groupe à proximité.

Ces couvertures appartiennent à des migrants. Ces jeunes hommes sont pour la plupart soudanais, égyptiens ou afghans et ont entre 15 et 20 ans. Certains d’entre eux ont emprunté la nouvelle route migratoire qui part de la Libye pour arriver en Italie, d’autres ont quitté le campement de la jungle de Calais, démantelée en octobre dernier, et se sont dirigés vers la Belgique.

Il y a deux semaines, ils étaient environ 210 à dormir aux abords de la gare. Désormais, ils sont une grosse vingtaine. Les membres de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés se démènent en effet chaque soir depuis plusieurs semaines pour rediriger les migrants sans abri vers les structures d’accueil de nuit du Samu social.

Ils ont un objectif précis et inchangé : celui de réussir la traversée de la Manche et de poser le pied au Royaume-Uni. Quelques-uns y ont de la famille ou des amis. Les autres sont convaincus d’y trouver leur eldorado, sans pouvoir réellement argumenter leur volonté.

La Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés joue aussi un rôle d’informateur et essaie de raisonner les migrants sur leur volonté de tenter la traversée. « Nous leur expliquons que les droits des réfugiés au Royaume-Uni sont moins avantageux qu’en Belgique. Ils n’ont pas de couverture médicale par exemple« , explique Mehdi Kassou, de la Plateforme.

Un jeune Afghan de 22 ans, Faysal, a été convaincu par les arguments de Mehdi et a introduit une demande d’asile à l’Office des étrangers, tout proche de la gare. Alors que les centres d’accueil ferment à la pelle, des dizaines de places se libèrent également dans les centres encore existants.

Pourtant, Faysal a été amené à se représenter dans quinze jours pour pouvoir enfin être logé dans un centre. « En attendant, je suis à la gare du Nord et le soir j’essaie d’avoir une place dans le centre d’accueil du Samu social. »

Du côté de la Plateforme, on soupçonne l’Office des étrangers de mener une enquête sur les demandes d’asile qui sont introduites avant de désigner une place en centre à la personne. Ainsi, l’organisme pourrait vérifier que le migrant n’a pas encore enregistré ses empreintes dans un autre pays de l’Union européenne, auquel cas il y serait renvoyé.

A côté de Faysal, Omid est assis par terre avec son groupe. « Nous restons par petits groupes pour se protéger et éviter les vols« , explique le garçon de 18 ans lui aussi originaire d’Afghanistan. Il est timide et hésite à s’exprimer.

Les migrants redoutent en effet la presse et ont peur d’être identifiés sur d’éventuelles photos.

« Cela n’a pas été facile pour eux lorsque les équipes de télévision sont arrivées pour les filmer. Le discours qui est tenu dans les médias n’est pas souvent humain. On parle d’invasion de migrants dans les gares de Bruxelles alors que ce n’est pas le cas« , rétorque Mehdi Kassou, de la Plateforme citoyenne.

« Lorsqu’ils acceptent d’être interrogés à la télévision, ils ne montrent que leurs yeux, pour ne pas qu’on puisse les identifier, ce qui pourrait être dangereux pour leurs proches au pays. Mais les gens ont peur de ceux qui se cachent le visage et la réponse est populiste« , continue-t-il.

Se cacher dans des camions

De l’autre côté de la vitre, dehors, se trouve Max. Engourdi par le froid, il est caché sous plusieurs couches de pulls et de couvertures colorées. Le jeune homme de 26 ans est originaire du Soudan et a passé une année dans la jungle de Calais avant de venir en Belgique. Cela fait maintenant quatre jours qu’il dort à proximité des arrêts de bus. « Je n’ose pas m’installer dans le hall de la gare car les policiers passent parfois et nous demandent de quitter les lieux. Je ne veux pas me faire remarquer« , explique-t-il, presque gêné d’être là.

Une fois la nuit tombée, il prend les transports en commun pour se rendre aux abords de la capitale et tenter de monter dans un camion. « A Calais, je faisais ça tous les soirs mais à chaque fois j’ai échoué. » Les quelques tentatives réalisées sur le sol belge n’ont pas porté leurs fruits mais Max reste déterminé à atteindre l’Angleterre. « Les quelques Soudanais qui sont ici à la gare en rêvent tous, j’en suis persuadé. »

A côté de lui, le jeune Soudanais a fait quelques réserves d’eau mais, ce soir, par manque d’effectifs, les équipes de la Croix-Rouge et du Samu social ne sont pas passées pour distribuer les sandwichs et les boissons chaudes. Une organisation citoyenne a pris le relais vers 19 heures pour distribuer un plat chaud tandis que Sylvia, une bénévole de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, tente de répondre à l’ensemble des demandes des migrants de la gare qui souhaitent être placés en centre ce soir.

Belgique

Louise Vanderkelen

L’ASBL AMA

Créée en mai 1968, la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri (AMA) fédère des institutions assurant l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement d’adultes et de familles en difficultés psychosociales mais aussi des personnes morales ou physiques actives dans le domaine de l’aide et de l’accueil de personnes en grande précarité sociale.

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