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Pourquoi le double meurtre de Plombières n’est pas un «drame familial»

Le double meurtre de Plombières reproduit des mécanismes propres aux violences conjugales. Il doit donc être analysé comme un fait social plutôt que comme un fait isolé.

Mercredi, dans la petite commune de Plombières, dans la région de Liège, un homme a tué à coups de couteau son ex-compagne, Valérie Leisten, ainsi que la mère de celle-ci. L’auteur a lui aussi perdu la vie tandis que d’autres personnes ont été blessées, dont le père de Valérie Leisten, patron du restaurant dans lequel les faits ont eu lieu. On pourrait faire de cet énième meurtre un fait divers parmi d’autres. Une affaire « familiale », « relevant de la sphère privée », comme l’a maladroitement déclaré le bourgmestre de l’entité en question, tentant de rassurer ses concitoyens. Or, il ne s’agit en aucun cas d’un fait isolé. Ce double meurtre s’inscrit au contraire dans des schémas classiques et récurrents dans le cadre de violences conjugales. Il semble en effet que la victime, Valérie Leisten avait déjà déposé plainte pour harcèlement depuis leur séparation. Des mesures avaient été prises et un suivi était assuré par les forces de l’ordre. Suivi qui n’a malheureusement pas suffi.

Processus de domination

Céline Caudron, coordinatrice à Vie Féminine et co-responsable de la Plateforme Mirabal, qui recense les meurtres de femmes liés à leur condition de femmes (les «féminicides») relayés par les médias (lire par ailleurs), l’affirme : « la plupart des femmes tuées le sont par des compagnons ou des ex-compagnons. Cela s’inscrit dans un cycle de violences présentes depuis plus longtemps. Il ne s’agit par de disputes, de conflits mais de rapports de pouvoir et de domination. » Josiane Coruzzi, directrice de l’ASBL « Solidarité femmes », qui gère un refuge pour les victimes de violences conjugales depuis plus de 30 ans, rappelle quant à elle que la séparation constitue un moment critique pour les victimes : « Le dominant a besoin de la dominée pour exister et ne supporte pas la séparation car cela signifie que la victime lui échappe. »

Le conjoint violent va donc tout tenter pour essayer de faire revenir la victime : promesses de lune de miel, cadeaux, menaces, contraintes physiques, etc. Ce qui explique d’ailleurs que de nombreuses victimes cèdent et retournent auprès de leur bourreau. Mais lorsqu’elles tiennent bon, elles s’exposent à des auteurs de violences qui « peuvent devenir très dangereux », avertit Josiane Coruzzi. En trente ans de carrière, elle a déjà connu trois assassinats, trois tentatives d’assassinat et plusieurs femmes disparues… « On véhicule souvent l’idée romantique selon laquelle l’homme tue son ex-compagne parce qu’il ne peut pas vivre sans elle, explique cette femme de terrain. Mais en toute logique, si c’était le cas, l’homme se suiciderait. Or, c’est l’inverse qui se produit. L’idée n’est donc pas « je ne peux pas vivre sans toi », mais bien « tu ne peux pas exister sans moi ».

Violences post-séparation

Pour cette experte, si les victimes sont aujourd’hui mieux prises en charge, que les formations des principaux acteurs de terrain s’améliorent et se multiplient, le prochain défi consiste à mieux mesurer la dangerosité des violences conjugales et à prendre en compte les violences « post séparation » : « Celles-ci ne sont pas du tout approchées par notre système social. Si on comprenait vraiment la dynamique de la domination conjugale, on réaliserait bien que la séparation est dangereuse. Aujourd’hui, on continue à pousser voire obliger les femmes à partir pour recevoir de l’aide. » Au-delà des cas extrêmes de meurtres ou d’assassinats, Josiane Coruzzi qui mène une recherche-action sur le sujet depuis cinq ans, constate une série d’autres violences post-séparation : harcèlement, nouvelles violences physiques, non-prise en compte du contexte de domination dans les jugements de divorce, dans l’attribution de la garde des enfants, etc.

Pour Céline Caudron, la sécurité devrait être une priorité dans l’appréhension des violences conjugales : « Quand on parle de politique de sécurité, on pense au terrorisme, au trafic de drogue, aux pickpockets. Or, pour une femme, le lieu le plus dangereux, c’est la maison ! » « Dès qu’il y a violences conjugales, il y a compromission de la sécurité physique de la victime, renchérit Josiane Coruzzi. On devrait directement porter une attention spécifique à cela. »

Des outils commencent à se développer, à l’étranger, pour mesurer la dangerosité d’un auteur de violences et pour mettre les victimes en sécurité (lire ci-contre). Mais des réticences subsistent également, constate Josiane Coruzzi lors des formations qu’elle donne : « Notre société a encore peur de mettre en avant la domination masculine. On préfère se dire que ce sont des disputes de couples, qui impliquent les deux partenaires. Ce qui est d’ailleurs la vision flamande des violences conjugales. Or, cela revient à nier le mécanisme de domination, qui fait écho à une société où les hommes sont encore dominants. Remettre en cause l’ordre social s’avère donc plus compliqué. »

 

Des pistes de solutions pour prévenir les homicides intrafamiliaux

Un téléphone « grave danger »

En France, le ministère de la Justice a mis en place des boîtiers avec un bouton unique sur lesquels les femmes les plus vulnérables (victimes de violences conjugales graves, récurrentes) peuvent appuyer quand elles se sentent menacées. Un opérateur recueille alors l’identité de la victime, sa localisation et la nature du danger avant d’envoyer un signalement au commissariat le plus proche. A noter que ce dispositif n’a pas empêché certains meurtres, lorsque la victime n’était pas en mesure de donner les informations à l’opérateur, ou que les secours arrivaient trop tard.

Des protocoles de détermination du danger

Dans quelques pays, des protocoles de détermination du danger, commencent à émerger. C’est notamment le cas au sein du « Carrefour sécurité en violence conjugale », une structure de concertation entre tous les partenaires impliqués (police, justice, services d’aides aux victimes, etc.) créé comme projet pilote en 2008 au Québec. La structure a pour but de prévenir les homicides intrafamiliaux, constatant qu’un seul service ne peut y arriver. En concertation, les différents acteurs évaluent le danger d’une situation. Si les voyants sont au rouge, des dispositions spécifiques sont prises.

Un mécanisme de disparition des victimes

Au Québec toujours, les autorités sont en mesure, dans les cas les plus extrêmes, de faire disparaître une victime de violences conjugales sur le modèle des systèmes de « protection des témoins ». Un tel processus est possible parce que cet Etat est suffisamment vaste. Pour Josiane Coruzzi, cependant, on pourrait mettre en place des collaborations européennes pour faire disparaître des victimes dans des pays frontaliers. Le non-accès à certains droits sociaux lorsqu’on s’installe dans un autre pays et l’absence d’aide constituent à l’heure actuelle de réels freins pour les victimes désireuses de refaire leur vie ailleurs.

Un éloignement temporaire du domicile

En Belgique, deux lois permettent de protéger les victimes de violences. La première consiste en un éloignement temporaire du domicile. Pendant dix jours, le conjoint violent ne peut plus se présenter au domicile conjugal. Cela permet à la victime de « souffler » voire de préparer un départ ou une mise en sécurité dans un refuge. La deuxième possibilité offerte à la magistrature est l’attribution prioritaire du domicile à la victime. On constate en effet souvent que c’est la victime qui fuit le domicile, sans ressources. Dans les deux cas cependant, les lois sont peu utilisées car difficiles à mettre en pratique et à contrôler. Le ministre Geens a cependant annoncé qu’il allait améliorer le dispositif de l’éloignement temporaire.

 

 

http://plus.lesoir.be/174629/article/2018-08-23/pourquoi-le-double-meurtre-de-plombieres-nest-pas-un-drame-familial#174649

L’ASBL AMA

Créée en mai 1968, la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri (AMA) fédère des institutions assurant l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement d’adultes et de familles en difficultés psychosociales mais aussi des personnes morales ou physiques actives dans le domaine de l’aide et de l’accueil de personnes en grande précarité sociale.

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