Mouvement solidaire et indépendant, la Plateforme citoyenne s’impose peu à peu comme un acteur incontournable sur un dossier migratoire toujours plus sensible politiquement. Un poids grandissant qui doit beaucoup à sa figure de proue, Mehdi Kassou. Cet ancien entrepreneur, journaliste de formation, a tout balancé pour s’occuper de la Plateforme. Pour les médias, c’est l’archétype du « bon client », comme dit le jargon : des propos concis et percutants. Reportages, plateaux TV, radio… à mesure que le mouvement citoyen s’élargit et approche une efficacité quasi professionnelle, il gagne en légitimité tant auprès des médias que des politiques.
Parallèlement, Mehdi Kassou œuvre avec le patron de Médecins du monde pour réunir les ONG autour d’un projet commun, le « hub humanitaire », un guichet unique où trouver vêtements, renseignements et soins médicaux, et participe aux négociations avec la Ville et la Région pour obtenir un lieu temporaire d’accueil : la porte d’Ulysse. Des discussions qui se poursuivent aujourd’hui pour décider de ce qui pourra être réalisé après la fin du bail, fin mars.
Confrontation avec le fédéral
Face à un pouvoir fédéral nettement moins arrangeant, la Plateforme se transforme peu à peu en lobby. Farouchement apolitique, le mouvement a cependant aiguisé une ligne claire sur la politique migratoire : suspension temporaire du règlement Dublin qui permet de renvoyer les demandeurs d’asile vers le pays d’entrée dans l’UE – le plus souvent l’Italie –, ouverture de centres d’orientation, création de voies d’accès légales… Et fait la démonstration de son poids. En janvier, tuyautée par des policiers en crise de conscience, la Plateforme parvient ainsi à mobiliser plus de 2.500 personnes, en à peine deux jours, pour contrer une descente de police. Le rapport ultra-secret du CGRA ? « On en connaissait le contenu avant le Premier ministre », crâne Mehdi Kassou. De grandes oreilles et une voix qui porte : dimanche passé, le collectif réunissait 10.000 manifestants contre la politique migratoire du gouvernement.
Alors au niveau fédéral aussi, on tend désormais l’oreille. Fin janvier, les parlementaires invitaient le porte-parole de la Plateforme à s’exprimer sur le projet de loi des visites domiciliaires dans un panel de juristes et d’ONG spécialisées. Quelques jours plus tard, c’est le Premier ministre qui le reçoit avec des représentants de Médecins du monde et de la Croix Rouge. Une façon pour le chef de gouvernement « d’entendre l’expérience du terrain », explique son cabinet. « Suspendre le règlement Dublin est une fausse bonne idée, juge une source gouvernementale. Cela risque de susciter un appel d’air dans les pays alentours, où des migrants sont dans la même situation. Sans compter qu’une réforme de Dublin devrait aboutir avant l’été. Ce serait un mauvais signal de suspendre son application maintenant… » Du côté de la Plateforme, l’épisode a déçu : « On n’avait pas l’impression de parler au Premier ministre mais à un agent de l’Office des étrangers, sanctionne Mehdi Kassou. Il n’y avait aucune ouverture, aucune marge de discussion. Tout ce qu’il a bien voulu concéder, c’est d’améliorer la communication. Alors quoi, ils vont réimprimer leurs flyers ? »