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Quand squatter à Bruxelles rime avec abondance urbaine

Autour de la loi anti-squat, le mouvement se rassemble. Révolte anti-système ou solution communautaire à long terme ? Nous avons rencontré Noémie, qui a trouvé dans le squat une réponse à son besoin d’émancipation.

C’est à Uccle, à l’angle de la Rue Basse et de la Chaussée de Saint-Job, qu’un groupe de dix-sept « nomades urbains » a élu domicile. Ils donnent un nouveau souffle au petit quartier résidentiel et axent leurs activités sur l’art et la récup’. Loin de l’image de la squatteuse, Noémie, 29 ans, a trouvé son indépendance et son émancipation en vivant différemment. C’est une réflexion sur le système entier qui découle de son style de vie. Je lui ai parlé de son rapport conflictuel avec les propriétaires à son envie d’agir.

Après plusieurs mauvaises expériences de location alors qu’elle était étudiante, Noémie a commencé sa réflexion autour d’un mode de vie alternatif. Elle a cherché comment elle pourrait contourner la location traditionnelle. « Ma relation avec les propriétaires était compliquée et j’ai rejeté en bloc le système locatif, qui n’est pour moi rien de plus qu’un rapport dominant-dominé. A cette période de ma vie, je ressentais le manque d’un projet et d’une intelligence collective. J’ai trouvé tout ça dans le mouvement du squat. Je me sens assez fragile et je ne suis pas très habile de mes mains. Faire partie d’une telle communauté m’a totalement sécurisé. »

Avant de vivre en squat, Noémie s’est renseignée pour louer des ateliers industriels et y vivre, car ils possèdent des normes moins restrictives. C’était sa première tentative pour contourner le système, mais la véritable révélation est arrivée il y a quelques années, dans un bar. « Quand j’ai entendu parler du squat, ça faisait 21 ans que je vivais à Bruxelles. Je ne savais pas du tout que ce monde existait, je venais de découvrir un monde caché. »

Noémie a sauté véritablement le pas quand elle a rencontré Fabian, son compagnon avec qui elle vit maintenant. « On s’est rencontré lors d’un ciné-débat. Un mois après, je le rejoignais dans un premier squat, ensuite on a emménagé à Communa. Maintenant on est à la D.A.K. parce que je ne me retrouvais pas vraiment dans l’esprit des autres associations. Il y a pas mal de querelles internes entre les différents mouvements du squat, tous ont leur manière de voir les choses, il y a les anarchistes, les gauchistes, les réformateurs, les progressistes, les capitalistes… Il faut trouver sa branche. »

« La récente loi anti-squat aura au moins eu le mérite de nous rassembler dans une lutte commune. Aucun de nous ne souhaite aller en prison parce que l’on occupe des bâtiments vides. La loi anti-squat vise aussi les sans-papiers qui n’ont pas d’autres manières de se loger, ils n’ont pas accès à la convention temporaire (ndlr : le propriétaire prête son bien temporairement à une personne ou un groupe en échange d’une indemnité), contrairement à nous. C’est primordial que tous les mouvements du squat s’unissent pour faire valoir le droit au logement et à la nourriture pour tous. »

La D.A.K., dont Noémie fait partie, est une asbl issue d’un mouvement de réappropriation des lieux. Les membres occupent des bâtiments gratuitement en échange de l’entretien, du paiement de l’assurance et des charges. « Ne pas avoir à payer de loyer, ça nous permet de dégager du temps pour nous concentrer sur pleins de projets comme notre atelier Be Your Own Director, qui aide à la réalisation de films à petit budget, la table d’hôtes ou encore l’organisation de jams. A la D.A.K., on est aussi très centrés sur la récup’ alimentaire. On va chercher les produits invendus dans des magasins pour se nourrir et les redistribuer. »

En s’intéressant à la récupération des déchets, Noémie s’est retrouvée en contact avec des populations très précarisées. « Pour moi le plus intéressant dans tout ce nomadisme urbain, c’est que j’ai l’impression d’avoir compris le système par le bas. Tu vois vraiment les incohérences de la société. Avant je ne mangeais jamais de produits bio, maintenant oui, et je me retrouve à habiter une maison que je n’aurais jamais pu me payer “dans l’autre monde”. Ça montre bien qu’il y a un problème : nous disposons de toutes les ressources nécessaires en terme d’habitation et de nourriture, mais il y a toujours plus de gens dans le besoin. »

Au début, le fait de vivre en squat, c’était un peu comme une aventure pour Noémie. Ça lui plaisait d’occuper des bâtiments hors-normes et de se retrouver dans des situations à risque, qu’importe si le confort n’était pas toujours au rendez-vous. « Je n’ai jamais trouvé que je faisais des sacrifices par rapport à ma vie d’avant, au contraire. Je n’ai jamais vécu autant dans l’abondance. Il y a beaucoup de maisons vides et d’aliments jetés. Tout est à portée de main. »

Toutefois, d’après Noémie, le squat ne serait pas une solution puisque le mouvement est juste la conséquence d’une faille du système : la surproduction. L’initiative des squats sert à montrer qu’il existe énormément de maisons vides à réhabiliter. « Le but, c’est de lancer une réflexion, ce n’est en rien une solution à long terme. Les projets communautaires veulent ouvrir la voie vers une autre économie. »

Dans la petite communauté uccloise, les habitants ont mis en place leurs propres règles : l’instauration du prix libre, le no borders et le recyclage propre. « Tout doucement, nous sommes en en train de construire une ville dans la ville. Il y a une table d’hôtes, une boulangerie, des massages, une friperie, l’atelier de réalisation… Tout est en train de se mettre en place dans une autre logique. Cela crée un marché parallèle, une microsociété. »

Le but de Noémie n’est pas de se couper de la société classique, vivre en communauté dans un squat, ce n’est pas si alternatif que ça. « Il y a des gens qui vont bien plus loin que moi. Quand tu vis en squat et en communauté, ce sont plutôt les rapports humains qui changent, des règles contraignantes de société que l’on oublie. Je préfère respecter les règles de ma communauté parce que je les comprends mieux, elles ont plus de sens pour moi. »

Noémie vit avec Fabian et leur fils. Ils ont aménagé un temps dans un appartement mais ils sont vite revenus au squat.  « Notre fils est très heureux dans la communauté, il a une “petite soeur de coeur” avec qui jouer, il y a les poules, les concerts… Et il va à l’école, bien sûr, comme ça il peut voir les deux côtés de la société, il évolue dans les deux mondes et il aura ensuite le choix. Si ça se trouve, il va devenir homme d’affaires (rires). »

Mais vivre en squat, c’est quand même vivre dans l’instabilité permanente. Après avoir investi un lieu, il faut souvent déménager et en trouver un autre. Noémie et sa communauté vont devoir plier bagage en mai prochain. « L’accord avec le propriétaire touche à sa fin, on va donc devoir quitter les lieux. A terme, avec les autres personnes de la communauté, on aimerait faire un achat collectif à la campagne et vivre en autonomie totale. Mais pour le moment, avec la loi anti-squat et tout ce qu’il se passe autour, on se doit d’être là encore un peu. Le temps que la société se rende compte des problèmes qui lui sont inhérents et qu’un mode de vie communautaire est une partie de la solution. »

http://vicebelgique.com/quand-squatter-a-bruxelles-rime-avec-abondance-urbaine/

L’ASBL AMA

Créée en mai 1968, la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri (AMA) fédère des institutions assurant l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement d’adultes et de familles en difficultés psychosociales mais aussi des personnes morales ou physiques actives dans le domaine de l’aide et de l’accueil de personnes en grande précarité sociale.

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