Le secteur de l'aide aux personnes sans abri se mobilise pour vous alerter sur une…
Les réglementations anti-mendicité : cacher la pauvreté au lieu de la combattre
En juin dernier, le Conseil communal de Namur avait adopté une réglementation interdisant, pour une période de 3 mois, la mendicité dans le centre-ville. Cette décision ravive, inévitablement, les inquiétudes des opérateurs de l’aide aux personnes sans abri qui assistent depuis quelques années à la mise en place d’une politique qui vise à criminaliser la mendicité et à cacher la pauvreté au sein des grandes villes.
Le phénomène de la mendicité n’est pas nouveau, la pratique est même ancestrale. Pourtant, la question revient régulièrement au-devant de l’actualité, notamment à travers les réglementations anti-mendicité mises en place dans plusieurs villes wallonnes et communes bruxelloises.
Pourtant, depuis 1993, la mendicité n’est plus un délit. La dépénalisation de la loi du 27 novembre 1891 relative au vagabondage et à la mendicité a permis de ne plus considérer le pauvre comme un délinquant qu’il faut punir mais bien comme une personne démunie à qui une assistance peut/doit être apportée en vue d’améliorer ses conditions de vie. Au cours des années 90 et depuis lors, les initiatives d’accueil et d’accompagnement de ce public se sont multipliées pour apporter des réponses adaptées aux besoins du public précarisé et des habitants de la rue.
Depuis quelques années on assiste à un retour en arrière. Des politiques de criminalisation de la mendicité sont mises en place. Celles-ci visent moins à combattre le sans-abrisme qu’à le cacher aux yeux des habitants de la ville, des commerçants et des touristes et ce, afin de rendre les rues plus agréables à ces derniers.
ON NE RÈGLE PAS LE PROBLÈME, ON LE DÉPLACE
De Liège, à Charleroi, Namur, Bruxelles, Gent ou à l’étranger (Suisse, Danemark), la pratique des réglementations « anti-mendicité » mais aussi des installations « anti SDF » comme les arrosoirs de la Porte d’Anderlecht à Bruxelles, ne stoppent pas la mendicité ni ne réduisent la pauvreté, mais en plus, elles compliquent considérablement le travail des accompagnateurs sociaux.
Dans les villes où des réglementations anti-mendicité sont à l’œuvre, les travailleurs sociaux sont inquiets. En effet, ils ont perdu le lien avec une partie des personnes en rue qui mendient ou qui zonent en rue. La majorité des initiatives d’aide aux habitants de la rue se trouvent en centre-ville (services social, restaurant social, services de douches, consignes…). Eloigner les mendiants du centre-ville, c’est aussi les priver des manifestations citoyennes et de solidarité. C’est également les éloigner des structures d’aide, celles-là mêmes qui sont les plus habilitées à apporter des réponses aux problèmes que rencontrent les personnes. Les associations doivent alors renforcer leurs équipes et leurs zones d’action afin d’atteindre leur public, désormais disséminé sur un territoire plus important. Dès lors, interdire la mendicité en centre-ville revient à conduire les personnes vers plus d’isolement, de solitude et d’insécurité.
Même si on peut comprendre les motivations d’un Bourgmestre et de ses Echevins à appliquer ce type de réglementation, plusieurs questions doivent être posées : les impacts sur les services d’aide sociale et sur les personnes précarisées qu’ils accompagnent ont-ils été mesurés? Les citoyens et les professionnels de l’aide aux sans-abris ont-ils été consultés ? Les services de première ligne sont-ils outillés pour faire face aux conséquences ?
Dans le cas de Namur, on peut seulement espérer qu’un Bourgmestre, par ailleurs Ministre wallon de l’action sociale, aura pris en considération toutes les dimensions de l’intervention sociale auprès du public sans abri et aura mis en place des réponses alternatives. Pourtant, on constate que l’abri de nuit, sensé fournir un hébergement à ce même public sera fermé concomitamment à la période couverte par la réglementation anti-mendicité. Nous nous interrogeons donc sur les solutions réellement proposées aux plus démunis.
Malgré les objectifs en terme de « vivre ensemble » dont nous ne doutons pas qu’ils soient pressants, gardons à l’esprit que la tendance à vouloir éloigner la mendicité des centres urbains en la déplaçant ne résout en rien le vrai problème que pose la mendicité : celui de la précarisation d’une importante partie de la population belge et des mesures insuffisantes pour lutter contre la pauvreté.