2024 sera une année électorale en Belgique. Dans ce contexte, le Guide Social souhaite être…
« Si vous ne me prenez pas, la corde est prête »
A Sainte-Ode, dans une ferme retapée en pleine campagne, La Moisson accueille des sans-abri depuis 40 ans. Temporairement, le temps de se poser, de faire le point, de se relancer. Il y a quelques années, la maison d’accueil a décidé de proposer des espaces familiaux en plus des chambres individuelles.
« La volonté est de ne pas séparer les familles », dit Joël Kinif, le directeur. C’est la seule structure de ce type en province du Luxembourg. Les autres sont réservées aux hommes seuls ou n’acceptent pas les garçons de plus de 12 ans. À La Moisson, éducateurs, assistants se relaient 24h/24 pour accompagner les hébergés : aide administrative, psychosociale, logistique… Le séjour est limité à 9 mois.
Leur donner la parole
Au rez-de-chaussée, ils sont six ce matin. Depuis quelque temps, un comité des usagers se réunit une fois par mois pour donner la parole aux hébergés. « On parle difficultés. On se donne des conseils », note Claudine Henry, l’animatrice.
Sur les chaises en cercle, il y a Nadia. Grâce à La Moisson, elle a un appartement depuis 2 ans. Il y a Aurore, Francine et son fils, Grégory, là depuis trois mois. Christine a quitté La Moisson avec sa fille il y a 18 mois. Ariane, elle, vient d’arriver.
Très vite, les langues se délient. L’assemblée s’offusque de l’unique bus du samedi. Ici, la commune est à 10 km, la mutuelle et le centre de formations à 15 km.
« Ici ou sous un pont »
Dans la ronde, les hébergés viennent de Marche, Athus, Tournai. « La première porte qui s’ouvre, on la prend. Et puis on s’adapte. Le plus dur est de trouver une place », soutient le groupe. « J’ai téléphoné ici, explique Christine. J’ai dit, si vous ne me prenez pas, la corde et les médicaments sont prêts. » « Moi, j’étais sous un pont avec mes enfants… », assure Nadia.
Les larmes coulent quand on parle des enfants. « En venant ici, je ne vois plus deux d’entre eux », raconte Christine.
Aurore, elle, a dû faire face aux violences de son fils. « Cinq ans que j’essayais de prévenir. On ne me croyait pas. On me disait que je ne voulais pas m’en occuper. On n’ose pas demander de l’aide. On a peur d’être jugée. Et en ruralité, les services sont plus éloignés. »
Celles qui sont sorties de La Moisson tentent de rassurer.
« Je vis bien maintenant », jure Nadia. « Ce Noël, je vais m’offrir mon écran plat. Un an et demi que j’économise. C’est ma fierté, dit Christine. Il faut apprendre la patience. Ca va aller, vous verrez. »
Caroline FIXELLE – L’Avenir – 22/11/2019