2024 sera une année électorale en Belgique. Dans ce contexte, le Guide Social souhaite être…
La société est-elle assez attentive aux violences faites aux femmes?
Ce week-end, un Verviétois a été interpellé pour des coups portés à sa compagne dans la nuit de samedi à dimanche. L’homme d’une vingtaine d’années a frappé sa compagne parce qu’elle l’avait dérangé alors qu’il se trouvait avec un ami. Vu l’extrême violence des faits, le parquet de Liège a mis le dossier à l’instruction mais la question se pose: face à ces violences, la société en fait-elle assez ?
« Je pense qu’il est ici important d’insister sur l’accès à la justice des femmes, puisque la majorité des femmes ont peur de porter plainte car elles pensent que leurs plaintes ne seront pas prises en considération« , estime Liola de Furstenberg, avocate au barreau de Bruxelles et membre de Fem&L.A.W., une association de femmes juristes et féministes créée dans le but de faire évoluer le droit vers l’égalité entre les femmes et les hommes. « Et pour cause, de nombreuses plaintes sont bâclées, mal rédigées et ne sont souvent même pas actées. On sait que 65 000 plaintes sont déposées en Belgique par an et 73% d’entre elles sont classées sans suite. Vous voyez donc que même si la femme a le courage de rentrer au sein du commissariat pour porter plainte, si celle-ci n’a pas de suite, c’est une seconde claque qu’elle se prend ».
Sahra Datoussaid, juriste et également membre de Fem&L.A.W., estime qu’il y a une volonté de tous les acteurs politiques et publics d’améliorer la prévention, la lutte et les poursuites en matière de violences faites aux femmes. « La protection existe, le droit international est là, il y a des standards, mais c’est par contre dans la pratique qu’on constate qu’il y a des soucis« , précise-t-elle. « C’est vrai que parfois, quand elles arrivent dans les commissariats de police, on les renvoie à la maison en disant qu’ils ne peuvent de toute façon rien faire par rapport à la plainte, etc. On a beaucoup de témoignages qui vont en ce sens ».
Liola de Furstenberg considère qu’il y a des efforts qui sont effectivement faits par les services de police mais que les femmes sont encore très mal reçues lorsqu’elles viennent porter plainte. « Si on ne présente pas un certificat médical récent pour constater des coups, souvent le policier ou la policière ne va pas prendre cela au sérieux. Et même si cette plainte est déposée, ce n’est pas pour ça qu’il y aura des suites concrètes »« , déplore-t-elle.
« Il y a ensuite deux volets qui s’ouvrent à cette femme : il y a le volet pénal devant le tribunal correctionnel si la personne est citée devant le tribunal correctionnel et il y a le volet devant le tribunal de la famille. Lorsque cette femme veut se séparer de son conjoint et obtenir le divorce par la suite, mais aussi demander des mesures relatives à ses enfants pour mettre en place un hébergement et pour les protéger, je constate là encore que devant le tribunal de la famille, c’est difficile de démontrer cette violence. Il faut venir avec des preuves, la victime doit amener tout un tas d’éléments devant le juge pour que la violence soit prise en considération. Et c’est tout le travail difficile qui attend ces femmes-là et leurs avocats ».
Quid de la prévention?
Les femmes sont aussi prises dans l’engrenage du cycle de la violence explique Liola de Furstenberg. »Même après un coup qui leur est porté, un acte fort qui est fait par l’homme, elles peuvent de nouveau être amadouées par des cadeaux de leur conjoint, par des excuses, par le pardon, etc. Et on retourne ainsi dans un nouveau cycle ».
« Le problème avec les violences conjugales, c’est que ce sont des mécanismes complexes d’un cycle de violence, d’interactions et d’une volonté majoritairement des hommes de dominer les femmes dans un contexte d’une société sexiste« , rajoute Sahra Datoussaid. « Cela va de l’insulte aux coups physiques et on a tendance à minimiser tout ce qui est violence psychologique, économique et parfois sexuelle quand elle intervient dans le cadre intrafamilial. On ne prend pas toujours les plaintes des femmes au sérieux quand elles arrivent en disant que ce sont des problèmes privés, une dispute qui interviendrait entre deux partenaires à égalité et après, on les prend malheureusement en compte seulement quand elles sont mortes ».
Alors que la Belgique a connu au moins 11 cas de féminicides répertoriés depuis le début de l’année, la question de la prévention se pose également. « C‘est un des axes de la Convention d’Istanbul qui a été ratifiée par la Belgique, qui est de sensibiliser les personnes à ces violences, d’éduquer les jeunes. Je pense que c’est tout un travail en amont qui doit être fait pour diminuer au maximum ces violences« , précise Liola de Furstenberg.
Les femmes qui vivent ces situations-là peuvent contacter la police mais également le secteur associatif, très présent. Des maisons d’accueil pour femmes victimes de violences conjugales existent également à Bruxelles et en Wallonie.
Source: RTBF.be – publié ce 24 juin 2019