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Le logement social est-il une solution pour l’avenir ou un héritage aujourd’hui dépassé ?

Apparu au 19e siècle, le logement social a connu depuis lors une jolie expansion de son parc. Quelle place faut-il lui donner dans les futures politiques de logement ? Une question sur fond de divergences PS-PTB.

L’expérience vaut le détour : repérer sur Facebook le président d’une société de logement social et voir comment son espace sur les réseaux sociaux est envahi de demandes et de récusations concernant un ascenseur qui ne fonctionne plus dans telle habitation, une porte qui attend d’être remplacée depuis plusieurs mois dans telle autre, des listes d’attente interminables également dont il faut plusieurs années pour s’extirper. Cette petite musique quotidienne du logement social a trouvé récemment de plus puissants échos au cœur de la campagne des élections communales et des négociations qui ont suivi dans certaines communes entre le PTB et le PS.

Tentons d’isoler quelque peu le sujet du logement social de ce contexte trop politicien entre une première formation à qui cela ne coûte guère de lancer des chiffres impressionnants de construction pour les années à venir et une seconde qui a peiné lorsqu’elle était au pouvoir à indiquer qu’elle avait pris la mesure de certaines situations. Pour objectiver le tout et répondre notamment à cette question de savoir s’il faut faire du logement social une priorité, avec ce que cela supposerait de chantiers de construction et de rénovation à lancer.

« Il faut notamment construire et rénover des logements sociaux, affirme Nicolas Bernard, professeur de droit spécialisé notamment sur les questions de droit au logement (Université Saint-Louis). Pourquoi ? Parce que le logement social a une spécificité par rapport aux autres types de logements : c’est le seul secteur de la location où le loyer est non seulement régulé mais déterminé aussi en fonction des revenus des locataires. »

Aujourd’hui, les listes d’attente dressées par les sociétés de logements sociaux à Bruxelles et en Wallonie témoignent d’une très forte demande alimentée notamment par des candidats aux revenus limités. « Quelque 80 % des locataires actuels n’ont pas de revenus du travail, indique Nicolas Bernard. Il ne faut pas perdre de vue cette statistique lorsqu’on parle du logement social. Pour ce qui concerne les listes d’attente, elles sont très longues. A Bruxelles, il y a quelque 45.000 ménages inscrits, soit pas loin de 100.000 personnes. On peut déjà dire que même en faisant du logement social une priorité en termes de construction, on ne résorbera pas cet écart… »

La longueur des listes d’attente donne à voir le nombre de locataires qui, faute de trouver un logement social, se tournent finalement vers le marché privé. « Un des arguments pour ne pas construire davantage de logements sociaux, c’est de dire que cela va créer un appel d’air, affirme Nicolas Bernard. Cela n’a pas de sens. L’appel d’air, il est déjà là. »

Juste un filet de sécurité

«  Beaucoup des gens qui se tournent vers le privé tombent dans des immeubles subdivisés, dans des appartements trop petits pour leurs familles, affirme Mathieu Van Criekingen, professeur de géographie urbaine (ULB). Souvent, ceux-ci sont aussi en mauvais état. Du point de vue des conditions de vie, la demande qu’ils formulent d’avoir des logements de meilleure qualité est légitime. » Elle passerait pour le coup par du logement social. « Celui-ci est en tout cas une solution pour avoir des logements confortables à des tarifs adaptés aux revenus les plus modestes », indique Pierre Frankignoulle, historien (ULiège).

Contrairement à d’autres pays, la Belgique semble n’avoir jamais fait du logement social une véritable priorité même si le pays a connu plusieurs vagues de construction, notamment celle de l’après-guerre. « Les Pays-Bas par exemple ont fait du logement social un bras de l’état social comme le sont par exemple les soins de santé gratuits ou quasiment gratuits pour tout le monde, indique Mathieu Van Criekingen. En Belgique, on n’a jamais été jusque-là, c’est resté une politique secondaire à côté d’un objectif général d’accès à la propriété. Longtemps, on a promu, en Belgique, des constructions en périphérie des grandes villes dans un modèle général favorisant le crédit hypothécaire, la voiture de société… Dans cette politique globale, le logement social n’a jamais été vu que comme un filet de sécurité. »

Le risque de construire mal

Si les autorités belges n’ont pas charpenté le territoire d’autant de logements sociaux qu’ailleurs, le parc existant n’est pas insignifiant tout de même. Comment évaluer son « efficacité » ? Peut-on le faire en fonction de critères qui témoignent de trajectoires ascensionnelles pour ceux qui les ont occupés ? «  Les premiers logements sociaux locatifs étaient destinés à une classe moyenne d’ouvriers dans une perspective d’ascension sociale, affirme Nicolas Bernard. Ce devait être comme une étape dans un parcours résidentiel ascendant. Par le fait des bouleversements démographiques et sociaux, par le fait des migrations, de nouveaux locataires plus pauvres sont arrivés dans un parc qui avait déjà commencé à vieillir. Progressivement, donc, les logements sociaux sont devenus des lieux de relégation, de concentration de pauvreté. Ils sont aujourd’hui davantage un terminus qu’un tremplin vers autre chose. Vu la hauteur des loyers dans le privé, une fois qu’on est dans un logement social, on n’en sort pas ou difficilement. »

Si les pouvoirs publics décidaient dans les années à venir d’accroître l’effort actuel de construction, il leur resterait encore à savoir où mettre le curseur. Y a-t-il en la matière des niveaux à ne pas dépasser au risque de briser certains hypothétiques équilibres ? « Dans certaines villes, on est à 33 % de logements sociaux et cela ne pose aucun problème particulier. Le vrai risque est surtout de construire mal : faire des barres, des tours, des quartiers isolés sur le territoire, sans équipements collectifs », indique Nicolas Bernard.

Depuis quelques années, les pouvoirs publics misent aussi sur une espèce de « logement social privé » en octroyant des réductions de TVA aux propriétaires privés qui s’engagent à confier leurs logements à des agences immobilières sociales (AIS). « C’est du logement social au sens large. On en fait un objet de rentabilité pour les propriétaires mais cela me va comme solution car les loyers sont modérés et garantis comme tels par les agences immobilières sociales. La question de savoir s’il faut construire du logement social ne se pose pas pour moi en des termes exclusifs », indique Nicolas Bernard. Mathieu Van Criekingen est plus dubitatif, quant à lui : « L’apport de ces logements est une goutte d’eau. On peut inciter les propriétaires privés à passer par ce type de systèmes. Mais on ne peut pas les obliger à le faire. »

 

Des «ambitions» qui évoluent

Le plus souvent, les historiens font remonter l’origine du logement social en Belgique à une loi de 1889. Dans un contexte de crise du logement ouvrier, cette nouvelle législation élargit les possibilités de prêts à taux préférentiels. Pour les ouvriers eux-mêmes – ceux qui peuvent se le permettre du moins – mais aussi pour des sociétés de construction de logements, qui viennent de voir le jour. Derrière la volonté de créer de l’habitat se dissimule – mal – aussi celle de « créer » la famille ouvrière, de l’éduquer, de la socialiser, de la mettre à l’abri, dans les consciences de l’époque, de fléaux comme l’alcoolisme, la tuberculose.

Acquisitif et locatif à ses origines, le logement social va connaître une croissance après la Première Guerre mondiale. Ce mouvement n’est pas propre à la Belgique. Les préoccupations qui lui servent de ressort parcourent l’Europe occidentale avec des penseurs, des architectes qui assurent la transition des idées. « En Belgique, c’est l’inspiration de la cité-jardin qui va gagner comme une synthèse entre les avantages des vies urbaine et rurale, indique l’historien Pierre Frankignoulle (ULiège). Toutefois, on ne peut pas à proprement parler de cités-jardins mais davantage de quartiers-jardins, de faubourgs-jardins. »

Après la Seconde Guerre mondiale, le logement social va se massifier et élargir son public. Côté architectural, la cité-parc a la cote, poussant la cité-jardin « dans un sens davantage fonctionnaliste », selon Pierre Frankignoulle : « Avec de petites maisons à un seul niveau, de petits établissements locatifs de deux ou trois étages, une tour ou l’autre, des maisons unifamiliales en bande aussi pour économiser sur le gros œuvre ».

Avec l’apparition du chômage de masse et l’arrivée de populations immigrées, le logement va creuser son rôle d’accueil des ménages les plus modestes. « Je ne sais pas quel idéal soutient aujourd’hui vraiment le logement social, indique Nicolas Bernard. Peut-être le droit au logement. Mais c’est une vaste nébuleuse que cela. En tout cas aujourd’hui, l’introduction du bail à durée déterminée garantit que le logement social soit tourné vers les plus pauvres. »

 

Deux visions

La dernière séquence de négociations post-électorales l’a démontré : PTB et PS butent sur la question du logement social. Si l’on s’en tient aux chiffres avancés çà et là par le premier en matière de nouvelles constructions, l’effort à porter doit être important. Jusqu’à faire, dans les intentions du parti, du logement social un « bras de l’Etat social » comme l’avance Mathieu Van Criekingen, professeur de géographie urbaine (ULB) lorsqu’il pointe la situation aux Pays-Bas ? En tout cas, cela y ressemble.

Le PS n’est pas opposé à de nouveaux chantiers. Lorsqu’il menait la majorité wallonne, des constructions sont régulièrement sorties de terre. C’est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui. A ce sujet toutefois, les indicateurs pointent la nécessité d’en faire plus et plus vite face à la croissance de la demande en logements sociaux qui se profile pour les années à venir. Pour y coller, toutes les pistes semblent bonnes, notamment celle du « logement social privé » (contre une réduction de TVA, des propriétaires privés confient leurs logements à des agences immobilières sociales), sur laquelle le PTB a peu insisté jusqu’ici.

 

Mis en ligne le 12/11/2018 à 19:18  Par Mathieu Colinet

https://plus.lesoir.be/189640/article/2018-11-12/le-logement-social-est-il-une-solution-pour-lavenir-ou-un-heritage-aujourdhui

L’ASBL AMA

Créée en mai 1968, la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri (AMA) fédère des institutions assurant l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement d’adultes et de familles en difficultés psychosociales mais aussi des personnes morales ou physiques actives dans le domaine de l’aide et de l’accueil de personnes en grande précarité sociale.

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