2024 sera une année électorale en Belgique. Dans ce contexte, le Guide Social souhaite être…
Femmes sans-abri, le cercle de la violence
La semaine dernière, deux femmes sans-abri sont mortes d’hypothermie dans les rues de Bruxelles à 24 heures d’intervalle. Les femmes sans abri vivent des réalités spécifiques qui ne sont pas toujours prises en compte aujourd’hui.
La majorité des femmes arrivent dans la rue pour échapper aux violences exercées sur elles mais aussi sur leurs enfants, quand elles en ont.
Dans une écrasante majorité de cas, la violence fait partie de leur parcours: inceste, violences intrafamiliales, conjugales, viols, placement dans des institutions de jeunesse.
Cercle de la violence
Ce cercle de la violence les fragilise tout au long de leur parcours et constitue la première cause de sans-abrisme pour les femmes. Mais avant de basculer dans l’errance, elles sont dans un contexte plus précaire que celui des hommes à cause des rôles qu’elles assument et des « choix » qu’elles sont amenées à faire.
Elles sont davantage soumises au travail à temps partiel, touchent des salaires et des pensions plus faibles. Et quand elles se retrouvent à la tête d’une famille monoparentale, elles galèrent.
Un père sur trois n’assume pas ou pas totalement les pensions alimentaires pour leurs enfants. Le résultat d’une séparation provoque donc un appauvrissement et augmente le risque de se retrouver à la rue.
Un état de précarité qui touche d’avantage les femmes
La précarité des femmes naît de l’interdépendance entre différents domaines de la vie. Emploi, logement, santé, couple, enfants: ces réalités s’emboîtent difficilement, en l’absence de soutien familial ou public.
Le fait d’être une femme constitue une précarité en soi comme le confirme une étude de l’ULB sur le taux de dépendance financière d’une personne à une autre, une dépendance qui évite de tomber sous le seuil de pauvreté. Ce taux est de 11% pour les hommes alors que pour les femmes, il grimpe à 33%.
Les choix posés par les femmes pour échapper aux multiples violences qui s’exercent sur elles, par exemple, ne leur permettent pas de réelle autonomie. Au moindre grippage, elles génèrent une série d’effets en cascade.
La violence se poursuit dans la rue
La rue est une jungle et est surtout un territoire masculin. En Belgique, 98% des femmes ont déjà été victimes de harcèlement de rue, selon l’enquête « Mon expérience du sexisme ».
La situation pour des femmes qui vivent dans la rue est bien pire. Même si on estime à environ 25% le taux de femmes dans le public sans abri ou sans logement, elles seraient plus nombreuses et se cacheraient plus. A la différence des hommes qui sont souvent en groupe, les femmes en rue sont plus isolées, se mettent en retrait car la rue est plus dangereuse pour elles.
Au pire, elles se masculinisent pour fuir le regard d’autres hommes. Cheveux rasés, vêtements amples, hygiène volontairement négligée pour échapper à des violences physiques ou sexuelles.
Pour endiguer le sans-abrisme, même si cela ne rencontre pas tout à fait les besoins et droits des femmes, l’exemple de réussite vient du Nord avec la Finlande et son projet housing-first. Le nombre de SDF a été réduit de moitié en 30 ans, et les autorités estiment que reloger les sans-abris revient, au final, moins cher que de les laisser dans la rue.
Pour approfondir le sujet:
- Italiano Patrick, avec la collaboration d’Ulya Kuçukyildiz, Femmes et enfants en errance, le sans-abrisme au féminin. Recherche-action sur le parcours des femmes avec enfants au sein de trois structures d’accueil en Wallonie et à Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 2016.
- Au féminin précaire, comment les femmes vivent-elles la précarité ? » Contribution de Vie Féminine dans « Pauvrophobie: Petite encyclopédie des idées reçues sur la pauvreté » septembre 2018